Dimanche frileux

Pas de sortie prévue, rien,
Levée tôt, petit déjeuner en tête en tête avec moi-même,
Musique, lecture... broderie... au gré de mes envies,
MON DIMANCHE, rien ni personne,
Le vilain spleen de ces derniers jours disparait enfin,
Fragile, je me sens fragile…
Mais là enfin, je me sens presque bien

Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton cœur savourait.

Dès l’heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les plus rudes.
Va devant toi, baisé par l’air des solitudes,
Comme une biche en pleurs qu’on effaroucherait.

Cueille la fleur agreste au bord du précipice.
Regarde l’antre affreux que le lierre tapisse
Et le vol des oiseaux dans les chênes touffus.

Marche et prête l’oreille en tes sauvages courses ;
Car tout le bois frémit, plein de rhytmes confus,
Et la Muse aux beaux yeux chante dans l’eau des sources.

 Théodore de Banville, Les Cariatides